Au sens le plus strict du terme, une tradition a pour origine une révélation. En Chine, on raconte que cette révélation fut apportée a des personnages mythiques, héros de légende, et des créatures fabuleuses, dragons, tortues, volatiles extraordinaires. Que ces faits n'aient rien d'historique ne change pas la définition de l'époque traditionnelle. C'est en effet à partir de cette théorie dont ils ont eu la révélation que les empereurs mythiques Huangdi et Shennong promurent la médecine, chacun étant réputé être à l'origine de l'une des deux grandes voies de la médecine traditionnelle chinoise, puisqu'on attribue la découverte de l'emploi des remèdes à Shennong et l'acupuncture à Huangdi.
Il faut donc, avant tout développement sur la médecine chinoise rappeler la théorie générale qui en est le fondement. Selon cette théorie, toute manifestation est régie par une loi très simple, celle du rythme à deux temps. A toutes les échelles de temps possible, on peut distinguer, dans tout phénomène, un temps actif et un temps passif qui se complètent. C'est le principe du yin et du yang où le yin est l'inertie et le yang la force exprimée, appelé aussi Taiji.
Si l'on ne manque pas de moyens de connaître l'état actuel des rythmes extérieurs, comment explorer les rythmes internes d'un malade, afin de pouvoir les comparer aux précédents? Tel fut le problème auquel la tradition apporta une solution grâce à un instrument très important, à savoir la loi d'analogie. Celle-ci montre que le rythme du tout induit les rythmes partiels, mais sa réversibilité permet de comprendre que la partie rend compte du tout. Dès lors il suffit de trouver et d'étudier un rythme bien perceptible dans l'organisme malade pour y trouver le défaut (ainsi que le localiser).
Des compilations montrant la méthode de la sphygmologie (calculer le pouls cliniquement) ont été retrouvé en Chine vers -500, mais on sait que ce savoir est encore antérieur. La médecine occidentale ne prend le pouls que pour évaluer la fréquence des pulsations cardiaques et distingue, sans beaucoup de conclusions diagnostiques, un pouls mou ou dur, bondissant, dépréssible, filant, etc. Ce ne sont là que quelque paramètres parmi les nombreux autres pour la médecine chinoise, qui décrit trente formes principales de pouls capables de se combiner entre elles:
fu, émergé;
chen, immergé;
chi, lent;
shu, rapide;
da, grand;
xiao petit; ...
Chaque forme, ou chacune des combinaisons de formes, peut apparaître sur chacune des six localisations décrites par la tradition pour un pouls donné, selon la règle suivante: pour une artère nettement palpable (radiale, cubitale, pédieuse, ...), trois doigts (index, majeur et annulaire) perçoivent à gauche et à droite trois jalons différents le long de l'artère, lesquels seront reportés au Taiji.
Après avoir dépisté, localisé et défini la dysharmonie rythmique qui est au fond de la maladie, la médecine traditionnelle chinoise met en jeu l'acte thérapeutique afin de restituer un malade un rythme aussi parfait que possible. L'ordre d'importance des différentes interventions thérapeutiques, dont la hiérarchie doit être considéé comme traditionnelle est: 1- traiter l'esprit; 2- savoir nourrir le corps; 3- prescrire des remèdes; 4- piquer l'aiguille d'acupuncture.
Comme écrit plus haut, la tradition veut que Shennong ait inventé les remèdes. Le premier livre de matière médicale, le
Traité des plantes médicinales de Shennong, fut rédigé vers -2000 par un auteur inconnu. On trouve à l'intérieur la liste de 365 remèdes, par analogie avec les jours de l'année, et se divisant en trois partie:
- drogues inoffensives, toniques, conservant la santé, conférent résistance et longévité.
- drogues thérapeutiques à donner aux malades, les unes sans danger, les autres douées d'une certaine toxicité.
- drogues vénéneuses, à n'utiliser qu'avec de grandes précautions.
Tous ces médicaments étaient d'origine végétale et étaient répartis dans chaque catégorie en herbes, arbres, fruits, graines et légumes. Plus tard, un supplément fut ajouté à l'ouvrage, avec une liste d'autres remèdes, minéraux et animaux.
Spécifiquement chinoise, l'acupuncture apparut parallèlement à la pharmacopée, peut-être même antérieurement à elle, dans la mesure où sont promoteur traditionnel, Huangdi, précède Shennong dans la chronologie légendaire, mais on ne saurait être affirmatif que un tel sujet. Les principies fondamentaux de l'acupuncture traditionnelle sont connus dans les
Simples qustions de Huangdi sur les lois de l'organisme, attribué à Huangdi, mais d'auteur inconnu et dont la date de rédaction est indéterminée, mais qui doit se situer dans les siècles qui ont immédiatement précédé l'ère chrétienne. Ce traité fut complété par le
Traité des points curatifs. Ces textes traitent de l'emploi des points d'acupuncture en vue de rétablir l'harmonie entre les hommes et le cosmos, et ils insistent à chaque page sur les lois du rythme yin-yang.
De toute manière, c'est encore l'analogie qui dirige toute la méthode: douze lignes sont décrites sur le corps et les membres (quatre membres, quatres saisons), chacune de ces lignes correspondant à chacun des douze mois de l'année, ou encore aux douze heures du nychtémère (l'heure traditionnelle chinoise vaut deux de nos heures). Sur ces lignes sont rangés 365 point très précis, autant que de jours de l'année, autant que de plante dans le Traité de Shennong. Dans ces lignes cirucle une énergie vitale, aussi importante, aux yeux de la tradition, que la circulation sanguine ou l'influx nerveux. Cette énergie est prélevées pour une part dans le miieu par la respiration et l'alimentation puis est mise en circulation par le coeur. Cette ciruclation, en relation avec les fonctions internes est induite par les rythmes extérieurs à l'organisme, elle obéit en conséquence au Taiji.
Ainsi, à un dérèglement précis, bien localisé sur le Taiji, répond sur la surface du corps un point non moins précis, lequel doit recevoir une action particulière : apport d'énergie en cas de carence, drainage d'énergie en cas d'excès. C'est par l'implantation d'une aiguille que ces effets sont obtenus, à condition toutefois que cet instrument réponde à certaines définitions traditionnelles. En effet, comme il s'agit, aux fins d'harmonisation, de mettre en rapport le microcosme et le macrocosme, l'aiguille représentera l'« axe du monde », axe idéal reliant Ciel et Terre, essence et substance, au lieu impliqué. L'aiguille d'acupuncture n'est donc qu'un agent de liaison entre deux rythmes, l'un perturbé et l'autre servant de référence. Ce n'est pas, comme certains modernes l'ont dit, un agent de réflexothérapie plus ou moins élaborée, mais bien un moyen idéal et symbolique, voire rituel, de remettre l'homme en contact avec le cosmos en un point de résonance bien déterminé. L'homme est le récepteur, c'est donc de son côté que sera la partie aiguë de l'instrument, la pointe. D'autre part, le Ciel, symbole de l'univers, nous apparaît sphérique, et notre horizon est circulaire : ce qui est dirigé vers le macrocosme, dans l'aiguille, devra comporter un anneau afin d'être mieux encore en résonance. Ce « trou de l'aiguille », ou encore « œil de l'aiguille », collecteur opposé à la pointe, complète symboliquement celle-ci. De tout temps, l'aiguille d'acupuncture des Chinois a comporté une boucle à l'extrémité de son manche ; or, cette boucle paraît n'être justifiée par rien en ce qui concerne l'instrument lui-même ou sa fabrication. Mais, en tant que capteur cosmique, elle revêt autant d'importance que la pointe, alors que celle-ci est l'agent de transmission au microcosme.
(source: Encyclopedia Universalis)